Megalopsychia, Aristoteles’ Meta-Tugend. Eine Transformation der Adelsethik in ein Bildungsideal, Dresde, Text & Dialog, 2022, 185 pages, ill. Notice de QSH. Le concept de mégalopsychia (μεγαλοψυχία ; U. Wolf : Stolz, « fierté » ; le présent A. préfère ne pas donner de traduction) a été peu abordé et pourtant vivement discuté, en raison des contradictions d’Aristote lui-même, dans la tradition d’étude de son éthique. On a montré que le concept était a priori contradictoire : c’est une vertu qui manifeste la dignité des êtres, mais elle est hors d’atteinte de gens humbles et modestes qui, de la sorte, ne peuvent manifester la leur. Thomas d’Aquin le premier (Somme de théologie II, q. 129, a. 3) la réhabilite et la purge de contradiction et la rend compatible avec l’humilité moyennant la conscience de ses manques. L’éthique d’Aristote est une doctrine du bonheur et non de la norme ; elle associe également au bon le beau esthétique (dans le καλὸς κἀγαθός). On considère dans la présente étude les liens entre mégalopsychia, kalokagathia et éducation (paideia), trouvant là une formule qui devrait inspirer la pédagogie moderne, laquelle pourtant l’ignore. La mégalopsychia est une condition du bonheur et la couronne des vertus. Ce qu’Aristote entend par là doit être précisé à l’aide du donné de son temps accessibles dans les épopées homériques, les tragédies et l’épigraphie. Il convient aussi d’expliquer les différences de traitement de la notion dans les divers écrits d’Aristote, de rendre un compte exhaustif de l’emploi du thème chez lui et de dégager l’intention pédagogique qui sous-tend son éthique dans son ensemble. – L’auteur entend s’appuyer sur deux hypothèses : 1) éthique et politique surmontent l’opposition classique entre philosophie théorique et pratique ; c’est notamment l’éducation qui assure une continuité entre théorie et pratique ; 2) le mode de vie proposé ne s’adresse pas tant aux philosophes, orateurs et hommes politiques qu’aux chefs de famille. Les ouvrages pris en considérations sont les deux éthiques, la Poétique, la Rhétorique et la Politique. Aristote part d’un fonds d’idéaux mythiques et poétiques illustré par Homère, caractérisé par l’honneur (timè) et l’amitié (philia) qu’il accepte tout en l’adaptant au contexte historique de la cité du IVe siècle av. J.-C., l’illustrant aussi de portraits fournis par la tragédie et la comédie. La présente étude se conforme à la triade grecque de la division du pouvoir entre le poète, l’homme politique et le sage. Le chapitre introductif comprend deux sections, l’une consacrée à son objet et à sa méthode, l’autre à la situation d’Aristote en tant que disciple de Platon et fondateur du péripatétisme et des droits du citoyen. Le chapitre II traite de l’influence sur la conception de la mégalopsychia d’une esthétique nobiliaire vécue, d’après Homère et les tragiques. Le chapitre III, de l’image de l’homme suivant Aristote (son mode de vie social inné, cultivé et déterminant ; l’âme humaine et ses fonctions partielles ; le caractère et sa formation par les vertus [arétè,la meilleure détermination ; son importance pour l’âme rationnelle ; la doctrine du juste milieu] ; l’homme accédant à la conscience de son importance). Le ch. IV, intitulé « la mise en ordre du projet et la doxographie des critiques », considère successivement les vertus prééminentes chez Aristote, les débats relatifs à la mégalopsychia, l’étymologie du mot et les opinions regardant son rôle dans l’éthique d’Aristote, avant une conclusion d’ensemble. Le ch. V envisage la mégalopsychia en tant que modèle de formation (ses représentations dans les écrits éthiques et ailleurs ; sa caractéristique : l’estime de soi [qui suppose à son fondement d’autres biens, et l’amitié nécessaire pour qu’elle soit reconnue] ; ses rapports avec la réputation, la honte et l’honneur [honneur et réputation ; celui qui agit bien est honoré] ; les figures du mégalopsychos [la combinaison de la beauté et de la grandeur ; la kalokagathia, maintien intérieur et extérieur] ; la mégalopsychia est-elle le joyau des vertus ?). Le ch. VI traite « de l’éducation, pour finir » avec un développement sur l’apprentissage de la mégalopsychia et une conclusion à la fois scientifique et militante : l’A. estime avoir démontré par les textes et par l’étude phénoménologique que la mégalopsychia, bien loin d’être une vertu parmi d’autres, est ce qui articule à la communauté l’individu conscient de son importance, donc un élément indispensable à l’achèvement et à l’intelligibilité de la doctrine aristotélicienne des vertus. À cette fin, Aristote l’a modifiée d’une estime de soi [aristocratique, primitive] en une vigilance portée sur soi associée au sentiment de son importance. Il conviendrait donc – selon l’A., elle-même attachée au département de pédagogie de la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich – , de lui restituer tout son rôle et d’en faire aujourd’hui aussi un idéal éducatif d’intégration heureuse dans la communauté avec ses droits et des devoirs, confirmant la thèse cardinale aristotélicienne de la nature politique de l’homme ; elle appelle à cette fin le concours des responsables publics, des parents, des maîtres et des amis, en mesure de fournir les modèles nécessaires. – Bibliographie, p. 175-182 ; glossaire grec-allemand, donnant les traductions d’après la traduction allemande de l’Éthique à Nicomaque et d’études dues à Ursula Wolf, puis celles du présent auteur.
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Jean-Pierre Rothschild (28 février 2025). Susak (Mara) [monogr.], Quid sit homo. Consulté le 19 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13ejk